Chaque année, le Morvan s’active pour la saison des sapins de Noël, dont la plupart des acteurs
principaux se situent sur la partie Nivernaise de ce massif fleuron national de ce secteur. Néanmoins,
au fil des ans, cet « Eldorado » se complique et son image est régulièrement attaquée. Filière
apparue dans la seconde moitié du 20eme siècle, aubaine lors de la déprise agricole de ces ingrates
parcelles granitiques, à ne pas confondre avec sa « cousine » sylviculture car c’est bien une
« culture agricole à haute valeur ajoutée », faisons le point sur ce millésime 2024.
Pour commencer, en plus des habituelles attaques de certains médias, réseaux sociaux et activistes
verdâtres sur le sapin de Noël, dénigré comme un « arbre mort » et de façon générale contre tout ce
qui est traditionnel et générateur d’activité économique sur le sol national (au profit du grand
gagnant : le sapin en plastique produit en Asie), une des entreprises majeures de ce secteur a été
victime d’un incendie criminel sur un de ses sites de productions, dès le commencement du pic
d’activité en mi-novembre.
Puis, un secret de polichinelle a fuité sur les réseaux sociaux morvandiaux, où un producteur
informait ses confrères qu’un camion rempli de sapins de Noël du Danemark, conduit par un
chauffeur étranger, ne trouvait pas son point de livraison, restant plusieurs jours sur place dans
l’attente de son déchargement. Cette anecdote nous explique qu’il est plus rentable d’importer des
sapins de Noël du Danemark, qui sont de très bonne qualité et sortant à des prix imbattables, c’est-à-
dire plus compétitif livrés sur dépôt après avoir traversé l’Europe que ceux que s’efforcent de
produire sur place les acteurs Morvandiaux.
Notons qu’au Danemark, malgré l’Union Européenne, ces sapins n’ont pas les mêmes normes de
production (notamment sur les intrants), ni les mêmes coûts de production. La filière Danoise est très
bien organisée en gigantesques parcelles avec places de chargement intégrées, une forte
mécanisation des procédures et une main d’œuvre de travailleurs détachés principalement venue
d’Europe centrale ou orientale. Le radical opposé du Morvan, où les producteurs opèrent souvent sur
un parcellaire complexe (relief, accès etc.) très dispersé, réduisant directement les économies
d’échelles, auquel s’ajoutera les normes concernant les intrants (le phytosanitaire) bien plus
restrictif. Seul point commun : les producteurs du Morvan font aussi massivement appel aux
travailleurs détachés de L’Union Européenne pour l’activité saisonnière. Un sujet récurrent sur le
coût du travail en France, et l’emploi dans les métiers manuels et agricoles.
Pour revenir aux attaques sociétales, le profane confondra souvent la production de sapin de Noël et
la sylviculture morvandelle, axée en effet majoritairement autour du résineux pour d’évidentes
raisons stationnelle. Rien ne ressemble plus à un résineux qu’un autre résineux diront-ils, mais c’est
avec ce raisonnement qu’on arrive à entendre que les sylviculteurs épandent des produits
phytosanitaires, ce qui est évidement faux. Alors qu’en effet, la production de sapins de Noël, qui
s’apparenterait à moitié à la viticulture et au maraichage le tout sur des cycles d’une dizaine
d’années, a recours à des intrants, principalement des fongicides, puis des insecticides, ainsi qu’à des
engrais. Certains peuvent être naturels, mais beaucoup sont en effet des produits chimiques sujets à
caution.
Alors de plus en plus de producteurs passent en bio ou en d’autres appellations et labels du secteur
traduisant une agriculture raisonnée, afin de suivre la légitime demande sociétale. Car le marché du
sapin de Noël est parfois surprenant : quand on observe les qualités demandées aux producteurs du
Morvan, et les cahiers des charges par taille et qualités esthétiques (1 er choix, 2ème choix, 3ème choix,
etc.), on se surprend à voir des sapins « de rebut » utilisés par centaines par les municipalités
morvandelles pour orner chaque pieds de panneau routier de nos bourgs, bien plus joli (selon les
mêmes critères) que bien des épouvantails vendus parfois 80€ pièce dans des grandes villes !
Car en plus des problématiques économiques, légales et sociétales énoncées précédemment, une
autre vraie problématique du sapin de Noël, c’est sa commercialisation. Partons du postulat qu’on
plante 10 000 sapins par hectares, dans les conditions commerciales actuelles, il y a au minimum 30
% des sujets qui seront invendus, qui termineront sur un tas de feu ou dans un trou. Certes, il y a des
sujets proprement invendables, mais bien souvent, on en trouve des moins jolis dans le commerce
(pouvant provenir de pays de l’UE par exemple…).
Encore une fois, le pouvoir du consommateur est énorme. En augmentant la tolérance du cahier des
charges esthétique tout en soulignant les labels de production locale et raisonnée, on redonnerait de
la compétitivité à nos producteurs. Et on permettrait de fournir à chaque foyer un vrai sapin dans le
salon, ce qui est de moins en moins fréquent en raison de la baisse du pouvoir d’achat. Ainsi, même
si le sapin n’est pas très rondouillard, qu’il a une fourchaison ou autre petit défaut, s’il est vraiment
certifié par un vrai label qu’il est bien produit en France avec une utilisation minime d’intrants
chimiques, que son prix rémunérant le producteur reste aussi abordable pour chaque foyer français,
alors on pourrait contrer l’importation de sapins étrangers sans avoir recours à la voie politique au
niveau Européen.
Ray ZINEUT