Au sein de l’Education Nationale, il existe depuis quelques années un Barème pour gérer les
mobilités, fonctionnant sur un système de point que chaque enseignant engrange au fil de sa
carrière. Cela passe par un faisceau d’éléments tels que les années d’anciennetés, le degré
de responsabilité, de difficultés spécifiques ou de situation familiale et de handicap. Et
évidement, plus on a de point, plus on est prioritaire sur ses choix de mobilité et stable dans
sa fonction.
Malheur à l’enseignant en poste non titulaire avec un capital de point inférieur à un confrère mieux garni
en point qui demande son poste ! Il l’aura assurément, par simple décision robotique du
logiciel de gestion de l’Education Nationale !
Ainsi se met en place un jeu de chaises musicales, où évidement les jeunes enseignants sont
brinquebalés d’années en années aux quatre coins du secteur géographique. Curieux système, surtout qu’il
n’y a de ça qu’une vingtaine d’années, l’Administration suggérait lourdement aux
enseignants, les jeunes notamment, de rester au moins 4 – 5 ans en place par respect des
institutions Républicaines. Ce qui semble logique, un enseignement de qualité se fait avec
une certaine stabilité au sein des équipes pédagogiques. Que s’est-il passé pour que ces
Hussards Noirs de la République viennent à instaurer entre eux une usine à gaz kafkaïenne
pour arbitrer si âprement les affectations ?


On peut avoir un élément de réponse en regardant certaines photos de classes et coupures
de presse de certaines localités, où enseigner ce qu’il reste du programme éducatif français
est devenu une mission dangereuse.
Autre élément de réponse : l’attractivité des territoires. Dans la Nièvre, bien de nos zones
rurales avec des petites écoles communales de faibles effectifs sans problématiques ethno-
confessionnelles semblent attractives pour bien des fonctionnaires de l’enseignement. Reste
à ces derniers de se projeter personnellement et durablement pour une mutation sur ces
territoires, ce qui est souvent difficile. Quid de ces questions au sein d’un couple, quid de
quitter ses amis, sa famille, la vie à la campagne… Autant de problématiques qu’on ne
retrouve pas dans les régions littorales ou prisées pour d’autres raisons.
Bref, l’attractivité des petites écoles rurales nivernaises est à géométrie variable, malgré un
certain regain d’intérêt depuis quelques années (peut-être l’effet Covid, mais surement aussi
autre chose…). D’ailleurs, la Région BFC a instauré un programme nommé Territoire Educatif
Rural, visant à dynamiser ces territoires à la peine, dont la Nièvre et surtout toute sa partie
autre que le bassin Neversois qui est grandement à la peine. Les statistiques sont
catastrophiques, quand on regarde les budgets engloutis, on peut s’autoriser à penser
que les moyens financiers ne seraient pas la seule réponse au problème.
Et c’est maintenant que survient le drame : quand il arrive qu’une jeune enseignante,
choisisse d’elle-même une petite école communale au fond du Morvan
, qu’en 3 ans, elle
tisse d’excellentes relations avec ses élèves, ses collègues, les élus et les parents d’élèves, menant ainsi à d’excellents résultats pédagogiques, et qu’elle souhaite rester à son poste
pour y être titularisée et continuer à bâtir ici sa vie professionnelle, alors arrivent les petits hommes gris de
l’Education Nationale. Ou plutôt ce logiciel avec son Barème, qui va éjecter
automatiquement sans aucune humanité la jeune fonctionnaire bien en place pour en
imposer une ou un autre inconnu « avec plus de points ».


On balaye en un instant le travail pédagogique réalisé en classe dédoublée (quid de la
transition pédagogique de la classe inférieure pour la transition l’année suivante ?). On
balaye aussi les relations humaines réussies avec les élèves en difficultés, avec des familles,
bref, la proximité si difficile à mettre en place et qui solutionne aisément (et
gratuitement !) bien des problèmes que l’on rencontre dans une scolarité. Surtout dans ces
zones désertiques dépourvues de tout. Pour le dire clairement, on parle des problèmes
sociaux, familiaux, médicaux, le harcèlement, l’échec scolaire… tout ça devra certes se
reconstruire avec le nouvel enseignant, mais on perd de nouveaux de précieuses années, et
le succès n’est pas garanti.


Ainsi l’arbitraire robotisé avec sa logique de points digne des produits lessiviels de la grande
distribution se télescope directement avec une saine gestion humaine du personnel
enseignant, quasiment jusqu’à devenir un broyeur à vocation pour les jeunes professionnels
de l’Education. Pourtant, au sein de ce Ministère fortement infusé par les fameux « idéaux
humanistes » et avec toutes les politiques des collectivités locales du même tonneau
gravitant autour, on aurait dû percevoir ce retour à l’Humain, la proximité, mais non,
l’arbitraire robotisé a gagné.
Il eut été si simple en ce cas précis (mais pas isolé) de laisser l’institutrice en place, qui aurait
naturellement solutionné efficacement et sans surcoûts différents axes d’améliorations
décrits et souhaités par les collectivités. Tous les acteurs étaient gagnants : l’Etat (collectivités,
ministère de l’Education Nationale, Finances Publiques…), les administrés (élèves et parents
d’élèves, contribuables), les enseignants, et de façon générale, réintroduire dans le contexte
actuel un peu de bon sens et de bonheur.

Harold BLANOT

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