On voit depuis quelques semaines dans la presse locale à la suite du Salon International de l’Agriculture, fleurir différents

articles s’inquiétant de la gastronomie nivernaise. En effet, on présente des animaux de rentes faisant la fierté de

l’agriculture nationale, mais on ne sait pas citer trois plats vraiment Nivernais. Soit l’incapacité de mettre en valeur

l’excellence de notre terroir…plutôt embarrassant.

Tout d’abord, il est assez vrai que la gastronomie nivernaise est à l’image de son Département, c’est-à-dire tiraillée entre

différentes influences des terroirs bourguignons ou auvergnats. C’est une des conséquences du découpage issu de la

Révolution de 1789, écartelant les provinces de l’Ancien Régime, qui fonctionnaient sur des unités territoriales, culturelles,

économiques, géographiques, géologique, (etc.) cohérentes. Au milieu de tout et proche de rien, les terroirs de la Nièvre

ont été coupés en deux et leurs spécificités culinaires avec. Ainsi, on peine à trouver quelques mets et plats, mais en

regardant bien, ils sont tous issus des périphéries du département comme le vin blanc de Loire et le Jambon Saupiquet,

ou carrément à cheval sur plusieurs départements tel le Crottin de Chavignol. Ce qui est bien  dommage car le

Département regorge d’excellents producteurs, de denrées alimentaires variées, à l’image de tout le panel de produits

que la Nièvre peut offrir.

Et malgré tous ces produits locaux, on peine à citer un plat de référence, ce qui nous place au rang de parent pauvre

dans notre région, là où nos voisins de Côte d’Or citeront les œufs en meurette, le bœuf bourguignon, le jambon persillé,

les escargots, le fromage d’Époisses et des dizaines de grands crus de renommée mondiale…

Néanmoins, rien n’est perdu. Les recettes qui émaillent la gastronomie française ne datent pas toutes de la même

époque. Il y en a de très anciennes et d’autres plus récentes.

Un territoire vivant est un territoire qui crée, qui innove. Retournons aux champs et aux fourneaux, redonnons des plats à

la Nièvre !

Regardons les projets du Parc du Morvan :

– Création d’un label Jambon du Morvan, avec des élevages de porc en plein air et une transformation locale.

– Création d’un fromage, sous la forme d’une tome, nommée le Cabrache, acronyme proche du barbarisme signifiant que

suivant le producteur, elle serait de lait de vache, ou de brebis ou de chèvre. Et donc relance d’une activité laitière en

Morvan avec transformation en fromage à la ferme.

– En cours de réflexion : relancer des projets de vigne en Morvan. Le réchauffement climatique le permet, ainsi que la

libéralisation des droits de plantations (découlant des textes de l’Union Européenne), soit le seul point positif pour ces

deux cataclysmes !

En faisant les fonds de tiroirs, les œufs en gelée seraient une des spécialités retenues par les nivernais. Sans grande

conviction. Pourtant, combien de mets nivernais passent inaperçus : vins de Tannay, champignons et gibiers de nos

vastes forêts, myrtilles du Morvan, poissons de nos rivières et de la Loire, sans parler des tonnes de céréales diverses et

des tonnes de viande bovine et ovine (avant qu’elles ne partent se faire engraisser ailleurs)… Avec tous ces mets,

on devrait bien parvenir à mitonner un plat innovant, en phase avec son époque. Notons que ce plat pourrait être le porte-

drapeau d’un certain renouveau agricole, mêlant localisme, agriculture raisonnée, permettant le maintien du modèle

actuel d’exploitation à taille familiale et humaine. En renouant avec la marge, la valeur ajoutée et la fierté de sa

production.

Tout ceci n’est pas utopique, regardons le Jura, département de notre grande région Bourgogne-France-Comté : C’est

exactement tout ce que nous énonçons. On n’y trouve que des exploitations agricoles rentables, des mets de

renommées, et toute une politique touristique qui en découle.

Pour revenir au changement climatique, il est avéré et on laisse son origine à caution, car la Nièvre a connu plusieurs

climats. Pour prendre l’exemple de la vigne, répandue dans la plupart des contrées françaises, elle servait surtout à

produire un vin-aliment de consommation quotidienne. C’est-à-dire un vin à 8 ou 10 degrés, qui servait à rougir l’eau du

puits qui parfois avait un goût terreux et surtout à alimenter les travailleurs. Le climat nivernais des siècles précédents

manquait un peu de soleil pour pousser la maturité du raisin permettant de le charger suffisamment en sucre pour

dépasser les 12 degrés requis afin d’obtenir la complexité aromatique des palais contemporains et les critères

œnologiques des consommateurs actuels. Ainsi, le réchauffement climatique avec ses étés caniculaires se prolongeant

jusqu’en octobre, auront le seul mérite de permettre le retour de la vigne sur certains secteurs nivernais. On peut déjà

penser aux alentours de Tannay, mais aussi au Morvan ou au Bazois. Viticolement parlant, le Morvan c’est le Beaujolais

avec quelques degrés de latitudes de différence : même altitude, même sol granitique. De quoi tenter l’aventure.

Toujours à propos du climat, ce sera l’occasion de redessiner notre production agricole : Produire moins en volume, et

peut peut-être aussi autre chose ou autrement. Et ne craignons pas l’innovation ! Le manque d’inspiration locale,

l’uniformisation des productions agricoles, le changement climatique, le basculement social à venir dans le monde

agricole, tout pousse à tenter l’aventure ! Alors n’hésitons pas à planter des cépages d’ailleurs, remplacer ou croiser les

charolaises avec d’autres races, cultiver des variétés de céréales anciennes !

On est ce qu’on mange. Alors n’hésitons pas à pimenter la sauce et à vitaminer la tambouille, au regard de l’assiette

nivernaise actuelle, ça ne fera pas de mal !

Bernard LOISAL

2 thoughts on “Gastronomie Nivernaise : en panne de plat emblématique malgré un terroir d’exception.”

  1. Les “oeufs au jambon” me semblent constituer le plat en question .
    Faciles à mettre à la carte et facile à varier selon les restaurateurs …mais c’est peut être eux le chainon manquant.
    Les vins existent déjà au Nord du département et en créer d’autres avec les contraintes actuelles me semble une chimère .

  2. Il y a un projet porté par le parc du Morvan concernant la réimplantation de vigne autour de Saint-Péreuse : à suivre !

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